Journal de Yang

Akkaria, maison de maître Wong Qi, le i-9-2041

Wong Qi, mon vénéré jeune maître, a eu la grande bonté de ne pas me faire travailler tard à la sellerie ce jour. Il a bien voulu consacrer à nouveau une part de son précieux temps pour m'entraîner à être sa docile monture. Bientôt je ne serai plus seulement le cheval qui tire son tilbury, je serai celui qui le promène sur ses épaules dans les rues d'Akkarpolis.

Quelle émotion j'ai sentie de le voir entrer dans l'écurie où il m'avait enfermé pour l'attendre ! Comment je l'ai dévoré des yeux avec son fringant habit noir de cavalier et ses hautes bottes brillantes comme du jais ! quand il est grimpé sur mon dos, quand j'ai senti la gangue lisse de ses bottes sur mes flancs, quand j'ai respiré leur odeur de cuir, c'était comme si tout le souvenir d'une belle nuit de Chine remontait en moi...

Je ne me lassais pas de cambrer ma croupe sous sa cravache. Je ne me lassais pas de balancer mon adorable maître au rythme qu'il voulait. Quand il a passé directement ses bottes autour de mon cou, quand j'ai senti le carcan lisse et frais qu'elles faisaient à ma tête, j'étais ivre de joie.

En traçant ces caractères, je ressens encore le poids de mon maître chéri sur mes épaules, je sens encore sur mes cuisses le cinglement de sa souple cravache. Quelle chance cela va être d'être plus souvent son cheval encore ! Et puis, chaque fois que je lui aurais servi de monture, de pouvoir me coucher à ses bottes pour les lécher encore et encore, comme une larve, comme un vers...